• Les cinq plaies

    Les cinq plaies du corps mystique liturgique du Christ

     

    La nouvelle évangélisation et la Sainte Liturgie Il y a un certain nombre d’aspects concrets dans la pratique liturgique dominante actuelle, dans le rite ordinaire, qui représentent une rupture véritable avec une pratique liturgique constante depuis plus d’un millénaire. Il s’agit des cinq usages liturgiques suivants que l’on peut désigner comme étant les cinq plaies du corps mystique liturgique du Christ. Il s’agit de plaies, car elles représentent une violente rupture avec le passé, car elles mettent moins l’accent sur le caractère sacrificiel qui est pourtant bel et bien le caractère central et essentiel de la messe, elles mettent en avant le banquet ; tout cela diminue les signes extérieurs de l’adoration divine, car elles mettent moins en relief le caractère du mystère dans ce qu’il a de céleste et d’éternel.

    Concernant ces cinq plaies, il s’agit de celles qui – à l’exception de l’une d’entre elles (les nouvelles prières de l’offertoire) – ne sont pas prévues dans la forme ordinaire du rite de la messe, mais ont été introduites par la pratique d’une mode déplorable.


    La première plaie, et la plus évidente, est la célébration du sacrifice de la messe où le prêtre célèbre le visage tourné vers les fidèles, notamment lors de la prière eucharistique et de la consécration, le moment le plus haut et le plus sacré de l’adoration due à Dieu. Cette forme extérieure correspond plus par nature à la façon dont on fait cours ou dont on partage un repas. On est en présence d’un cercle fermé. Et cette forme n’est absolument pas conforme au moment de la prière et encore moins à celui de l’adoration. Or cette forme, le concile Vatican II ne l’a pas souhaitée le moins du monde et elle n’a jamais été recommandée par le magistère des papes post conciliaires. Le pape Benoit XVI écrit dans sa préface au premier tome de ses œuvres complètes :Les cinq plaies

    « L’idée que le prêtre et l’assemblée doivent se regarder lors de la prière est née chez les modernes et elle totalement étrangère à la chrétienté traditionnelle. Le prêtre et l’assemblée ne s’adressent pas mutuellement une prière, c’est au Seigneur qu’ils s’adressent. C’est pourquoi dans la prière ils regardent dans la même direction : soit vers l’est comme étant le symbole cosmique du retour du Seigneur, ou alors là où cela n’est pas possible, vers une image du Christ située dans l’abside, vers une croix ou tout simplement ensemble vers le haut ».
    La forme de célébration où tous portent leur regard dans la même direction (conversi ad orientem, ad Crucem, ad Dominum) est même évoquée par les rubriques du nouveau rite de la messe (cf. Ordo Missae, n. 25, n. 133 et n. 134). La célébration qu’on appelle « versus populum » ne correspond certainement pas à l’idée de la Sainte Liturgie telle qu’elle est mentionnée dans les déclarations de Sacrosanctum Concilium n°2 et n° 8.

     

    La deuxième plaie est la communion dans la main répandue pratiquement partout dans le monde. Non seulement cette façon de recevoir la communion n’a été évoquée en aucune manière par les Pères conciliaires de Vatican II, mais bel et bien introduite par un certain nombre d’évêques en désobéissance au Saint Siège et dans le mépris du vote négatif en 1968 de la majorité du corps épiscopal. Ce n’est qu’après que le pape Paul VI l’a légitimée sous conditions particulières et à contre coeur.Les cinq plaies


    Le pape Benoit XVI, depuis la fête du Saint Sacrement 2008, ne distribue plus la communion qu’à des fidèles à genoux et sur la langue, et cela non seulement à Rome, mais aussi dans toutes les églises locales auxquelles il rend visite. Par là, il donne à l’Église toute entière un exemple clair du magistère pratique en matière liturgique. Si la majorité qualifiée du corps épiscopal, trois ans après le concile, a refusé la communion dans la main comme quelque chose de nuisible, combien plus les Pères conciliaires l’auraient également fait !

     

     


    La troisième plaie, ce sont les nouvelles prières de l’offertoire. Elles sont une création entièrement nouvelle et n’ont jamais été en usage dans l’Eglise. Elles expriment moins l’évocation du mystère du sacrifice de la croix que celle d’un banquet, rappelant les prières du repas sabbatique juif.Dans la tradition plus que millénaire de l’Eglise d’Occident et d’Orient, les prières de l’offertoire ont toujours été axées expressément sur le mystère du sacrifice de la croix (cf. p. ex. Paul Tirot, Histoire des prières d’offertoire dans la liturgie romaine du VIIème au XVIème siècle, Rome 1985). Une telle création absolument nouvelle est sans nul doute en contradiction avec la formulation claire de Vatican II qui rappelle:Les cinq plaies 

    « Innovationes ne fiant … novae formae ex formis iam exstantibus organice crescant »

    (Sacrosanctum Concilium, 23).


    La quatrième plaie est la disparition totale du latin dans l’immense majorité des célébrations eucharistiques de la forme ordinaire dans la totalité des pays catholiques. C’est là une infraction directe contre les décisions de Vatican II.

    Les cinq plaies

    La cinquième plaie est l’exercice des services liturgiques de lecteur et d’acolyte par des femmes, ainsi que l’exercice de ces mêmes services en habit civil en pénétrant dans le choeur pendant la Sainte Messe directement depuis l’espace réservé aux fidèles. Cette coutume n’a jamais existé dans l’Eglise, ou tout au moins n’a jamais été bienvenue. Elle confère à la célébration de la messe catholique le caractère extérieur de quelque chose d’informel, le caractère et le style d’une assemblée plutôt profane. Le deuxième concile de Nicée interdisait déjà, en 787, de telles pratiques en édictant ce canon : « Si quelqu’un n’est pas ordonné, il ne lui est pas permis de faire la lecture depuis l’ambon pendant la sainte liturgie » (can. 14). Cette norme a été constamment respectée dans l’Eglise. Seuls les sous-diacres ou les lecteurs avaient le droit de faire la lecture pendant la liturgie de la Messe. En remplacement des lecteurs et acolytes manquants, ce sont des hommes ou des garçons en habits liturgiques qui peuvent le faire, et non des femmes, étant donné que le sexe masculin, sur le plan de l’ordination non sacramentelle des lecteurs et acolytes, représente symboliquement le dernier lien avec les ordres mineurs.

    Les cinq plaies

    Dans les textes de Vatican II, il n’est fait nullement mention de la suppression des ordres mineurs et du sous-diaconat, ni de l’introduction de nouveaux ministères. Dans Sacrosanctum Concilium n° 28, le concile fait la différence entre « minister » et « fidelis » pendant la célébration liturgique, et il stipule que l’un et l’autre ont le droit de ne faire que ce qui leur revient de par la nature de la liturgie. Le n° 29 mentionne les « ministrantes », c’est-à-dire les servants d’autel qui n’ont reçu aucune ordination. En opposition à ceux-là, il y aurait, selon les termes juridiques de l’époque, les « ministri », c’est-à-dire ceux qui ont reçu un ordre qu’il soit majeur ou mineur.


    Par le Motu proprio Summorum Pontificum, le pape Benoit XVI stipule que les deux formes du rite romain sont à regarder et à traiter avec le même respect, parce que l’Eglise reste la même avant et après le concile. Dans la lettre d’accompagnement du Motu proprio, le pape souhaite que les deux formes s’enrichissent mutuellement. En outre, il souhaite que dans la nouvelle forme «apparaisse, plus que cela n’a été le cas jusqu’à présent, le sens du sacré qui attire de nombreuses personnes vers l’ancien rite».
    Les quatre plaies liturgiques ou usages malheureux (célébration versus populum, communion dans la main, abandon total du latin et du chant grégorien et intervention des femmes pour le service de la lecture et celui d’acolyte) n’ont en soi rien à faire avec la forme ordinaire de la messe et sont en plus en contradiction avec les principes liturgiques de Vatican II. Si on mettait un terme à ces usages, on reviendrait au véritable enseignement liturgique de Vatican II. Et à ce moment-là, les deux formes du rite romain se rapprocheraient énormément, de sorte que tout au moins extérieurement, on n’aurait pas à constater de rupture entre elles, et de ce fait, pas de rupture non plus entre l’Eglise d’avant le concile et celle d’après.
    En ce qui concerne les nouvelles prières de l’offertoire, il serait souhaitable que le Saint Siège les remplace par les prières correspondantes de la forme extraordinaire ou tout au moins qu’il permette leur utilisation ad libitum. Ainsi ce n’est pas seulement extérieurement, mais intérieurement que la rupture entre les deux formes serait évitée. La rupture dans la liturgie, c’est bien d’elle que la majorité des Pères conciliaires n’a pas voulu ; en témoignent les actes du concile, parce que dans les deux mille ans d’histoire de la liturgie dans la Sainte Église, il n’y a jamais eu de rupture liturgique, et que par conséquent, il ne doit jamais en avoir. Par contre, il doit y avoir une continuité comme il convient que ce soit pour le magistère.
    Les cinq plaies au corps liturgique de l’Eglise évoquées ici réclament guérison. Elles représentent une rupture comparable à celle de l’exil d’Avignon. La situation d’une rupture aussi nette dans une expression de la vie de l’Eglise qui est loin d’être sans importance – autrefois l’absence des papes de la ville de Rome, aujourd’hui la rupture visible entre la liturgie d’avant et d’après le concile – cette situation donc réclame guérison.
    C’est pourquoi on a besoin aujourd’hui de nouveaux saints, d’une ou de plusieurs sainte Catherine de Sienne. On a besoin de la « vox populi fidelis » réclamant la suppression de cette rupture liturgique. Mais le tragique de l’histoire, c’est qu’aujourd’hui comme autrefois au temps de l’exil d’Avignon, une grande majorité du clergé, surtout du haut clergé, se satisfait de cet exil, de cette rupture.

    Avant qu’on puisse s’attendre à des fruits efficaces et durables de la nouvelle évangélisation, il faut tout d’abord que s’instaure à l’intérieur de l’Eglise un processus de conversion. Comment peut-on appeler les autres à se convertir tant que, parmi les appelants, aucune conversion convaincante vers Dieu n’ait encore eu lieu, parce que, dans la liturgie, ils ne sont pas suffisamment tournés vers Dieu, tant intérieurement qu’extérieurement. On célèbre le sacrifice de la messe, le sacrifice d’adoration du Christ, le plus grand mystère de la foi, l’acte d’adoration le plus sublime dans un cercle fermé en se regardant les uns les autres.

    Les cinq plaies


    Il manque la « conversio ad Dominum » nécessaire, même extérieurement, physiquement. Puisque pendant la liturgie, on traite le Christ comme s’il n’était pas Dieu et qu’on ne Lui manifeste pas de signes extérieurs clairs d’une adoration due à Dieu seul, dans le fait que les fidèles reçoivent la Sainte communion debout et qu’en plus, ils la prennent dans leurs mains comme une nourriture ordinaire, en l’attrapant avec les doigts et en se la mettant eux-mêmes dans la bouche. Il y a ici le danger d’une sorte d’arianisme ou d’un semi-arianisme eucharistique.


    Une des conditions nécessaires d’une fructueuse nouvelle évangélisation serait le témoignage suivant de toute l’Eglise sur le plan du culte liturgique publique, observant au moins ces deux aspects du Culte divin, à savoir :
    1) Que sur toute la terre, la Sainte Messe soit célébrée, même dans la forme ordinaire, dans la « conversio ad Dominum », intérieurement et nécessairement aussi extérieurement.
    2) Que les fidèles plient le genou devant le Christ au moment de la Sainte communion, comme saint Paul le demande, évoquant le nom et la personne du Christ (cf. Phil. 2, 10), et qu’ils Le reçoivent avec le plus grand amour et le plus grand respect possible, comme il Lui revient en tant que Dieu véritable.
    Dieu soit loué, le pape Benoit XVI a entamé, par deux mesures concrètes, le processus de retour d’exil avignonnais liturgique, à savoir par le Motu proprio Summorum Pontificum et par la réintroduction du rite de communion traditionnel.


    Il est encore besoin de beaucoup de prières et peut-être d’une nouvelle sainte Catherine de Sienne afin que suivent les autres pas, de façon à guérir les cinq plaies sur le corps liturgique et mystique de l’Église et que Dieu soit vénéré dans la liturgie avec cet amour, ce respect, ce sens du sublime, qui ont toujours été le fait de l’Église et de son enseignement, notamment à travers le concile de Trente, le pape Pie XII dans son encyclique Mediator Dei, le concile Vatican II dans sa constitution Sacrosanctum Concilium et le pape Benoit XVI dans sa théologie de la liturgie, dans son magistère liturgique pratique et dans le Motu proprio précité.
    Personne ne peut évangéliser s’il n’a d’abord adoré, voire même s’il n’adore pas en permanence et ne donne pas à Dieu, le Christ Eucharistie, la vraie priorité dans la façon de célébrer et dans toute sa vie. En effet, pour reprendre les mots du cardinal Joseph Ratzinger : « C’est dans la manière de traiter la liturgie que se décide le sort de la Foi et de l’Eglise ».


    Monseigneur Athanasius Schneider,
    Réunicatho, RENCONRE POUR L’UNITE CATHOLIQUE –– 15 JANVIER 2012


  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :